À compter du 11 mai, tous les cas positifs ou suspects de Covid-19 seront dépistés et isolés, ainsi que tous leurs cas contacts. Pour conduire cette politique de santé publique, l’État construit un système d’information nominatif.

Le « traçage » des cas de Covid-19 se fait selon trois niveaux. Le premier est celui des médecins généralistes ou hospitaliers qui, lorsqu’ils reçoivent un patient avec des symptômes caractéristiques du Covid-19, doivent lui prescrire un test de dépistage, ou encore des masques. Mais ils seront aussi chargés de « tracer » les « cas contacts », à l’intérieur de la famille, autour de ce patient 0. Ces cas contacts se voient aussi prescrire des masques et un test de dépistage. Tous sont invités à s’isoler, sans mesure de contrainte.

En deuxième niveau intervient l’assurance-maladie, chargée de rappeler le « patient 0 », et de l’interroger pour élargir le cercle de ses cas contacts, au-delà de la famille.

En troisième niveau interviennent les agences régionales de santé (ARS), qui se concentreront sur les cas complexes : les cas de Covid-19 en « milieu collectif », comme les établissements sociaux et médico-sociaux, les prisons ou encore les « clusters ».

Le médecin généraliste trace les cas contacts, dans la mesure du possible, dans le cadre de son travail habituel : il interroge le patient sur ses conditions de vie, son entourage familial, dans un dialogue en confiance. L’objectif est d’abord de l’aider à protéger sa famille. » Pour ce premier niveau d’enquête, le médecin généraliste libéral va percevoir un forfait de 55 euros, gonflé de 2 à 4 euros en fonction du nombre de contacts renseignés au-delà du cercle familial.

Au deuxième niveau, celui de l’assurance-maladie, c’est l’incrédulité. Selon des documents internes que nous nous sommes procurés, les caisses primaires d’assurance-maladie vont devoir mobiliser entre 4 000 et 6 500 agents, 7 jours sur 7, de 8 heures à 19 heures.

Tous les types de métiers seront sollicités : des médecins, des infirmières, mais aussi des agents d’accueil, qui seront chargés à leur tour de tracer les cas contacts. « Nous avons privilégié des personnes avec un profil médical », assure l’assurance- maladie.

Au niveau 3, celui des ARS, le travail de traçage attendu est au contraire « habituel » : « Au terme de traçage, je préfère celui de recherche de sujet contact, président du Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique, affilié à l’Unsa (SMISP-Unsa). C’est de l’épidémiologie d’intervention. On en fait régulièrement, par exemple en cas d’épidémie de rougeole, ou au moment des crises sanitaires du SRAS ou d’Ebola, La difficulté aujourd’hui, c’est le volume des interventions, que l’on a du mal à mesurer. »

Mais quelle que soit l’ampleur des cas à suivre, dans cette épidémie, les médecins de santé publique de l’ARS ne sont « pas assez nombreux : seulement 220, alors que nous étions 350 en 2010, à la création des ARS, rappelle Thierry Fouéré. Faute de moyens humains, on doit donc se concentrer sur le niveau 3 d’intervention. L’élargissement du nombre de professionnels qui vont faire ce travail aux niveaux 1 et 2, qui relève de nos missions, nous inquiète. Est-ce que la qualité de l’investigation de ces cas et sujets contacts sera au rendez-vous ? Est-ce qu’ils seront bien encadrés par des médecins, soumis au secret professionnel ? On attend d’être rassurés ».

« Soigner n’est pas ficher »

En réponse à nos questions, l’assurance- maladie l’assure : « L’ensemble des personnels habilités » à conduire ces investigations sont « soit du personnel médical et paramédical, soit des salariés habitués et formés à traiter des données sensibles dans le respect de la confidentialité ».

Mais pour les syndicats « ce dispositif remet en cause le secret médical et le secret professionnel ». Car à ce dispositif est adossé un système d’information, le SIDEP (système d’information de dépistage), partagé entre tous ses acteurs – médecins généralistes, biologistes, assurance maladie et ARS – où seront indiqués les noms, les adresses, les numéros de téléphone de tous les cas de Covid-19 suspects, avérés ou contacts, ainsi que le résultat de leurs tests de dépistage. Ces données personnelles pourront « être traitées et partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées ».